Youth : Santa Maradona (priez pour nous) !

« Youth Palme d’Or. »

Voilà c’est dit, on a déjà oublié Carol qui était pourtant il y a quelques jours La Palme d’Or. C’est aujourd’hui du passé, le film de Sorrentino aura la Palme et l’on ne compte plus les articles de presse expliquant pourquoi. Autant on pouvait comprendre les raisons de vouloir consacrer par une Palme d’Or la carrière de Todd Haynes, autant on reste franchement circonspect face au délire hallucinatoire dont semblent victimes les festivaliers. À croire qu’à l’instar des petits extraterrestres de Toy Story, ces cinéphiles se laissent berner par la lumière.

Car s’il faut bien avouer une chose, c’est que Youth est très joli. Il faut saluer le travail de Luca Bigazzi qui nous confectionne ici un bonbon entouré de papier glacé. Cela aurait pu être une bonne sucrerie sans prétention, bercée de pop culture ; c’est en fait tout le contraire. Si le film débute par un concert de pop musique, et que la pop compose une bonne partie de la playlist du cinéaste, Sorrentino montre tout le mépris qu’il a pour la culture populaire.

Ses personnages n’auront de cesse d’évoquer leur frustration vis-à-vis de leur désir de légèreté. On sent que le cinéaste est à l’image de l’acteur raté de son film, il n’assume pas le fait d’aimer la culture populaire. Interprété par l’un des acteurs les plus catastrophiques de sa génération, Paul Dano (affublé d’un look improbable), Mick Boyle a honte d’avoir été le héros un film de robot, et nourrit des préjugés sur les Miss Univers. Il cherche auprès de Michael Caine, interprétant un grand chef d’orchestre et de son ami cinéaste, Harvey Keitel, une reconnaissance qu’il n’a jamais réussi à trouver. Tout comme Sorrentino, l’acteur est attiré par l’apparat, la fascination du spectaculaire, et c’est sans étonnement qu’il finira par s’affubler du costume d’Adolf Hitler. C’est ce qui gêne dans Youth, cette fascination pour les belles images, plus que pour les êtres qui s’y meuvent.

Car en définitive, Youth est d’une banalité affligeante. Bien qu’il mette tout en œuvre pour que l’on fasse le distinguo entre le Cinéma, son cinéma, la publicité et les clips, les faits sont têtus. Youth, par les clichés qu’il véhicule sur la vieillesse, les bonzes ou sur la façon dont il filme les vaches et les jeunes filles s’approchent bien plus de l’univers de la publicité que du cinéma. On a, également, bien du mal à adhérer à la critique des clips de pop musique, puisque cette séquence s’avère être bien plus intéressante dans sa radicalité que l’ensemble chichiteux du film. On saurait en fait gré au cinéaste d’arrêter ses effets de cinéma qui l’entraînent à transformer Youth en parodie de Sorrentino, et de chercher plus de modestie ou en tout cas d’intérêt pour les personnages qu’il filme. À voir la façon dont il scrute la monstruosité du sosie de l’ex-footballeur Maradona, on se dit qu’il en est tout à fait capable. Le piège pour lui serait qu’on la lui donne, cette fameuse Palme d’Or.

Youth, de Paolo Sarrentino avec Michael Caine, Harvey Keitel, Paul Dano, Rachel Weisz

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