Toute première fois, l’humour plus fort que l’amour

Jérémie est gay. Cela fait maintenant 10ans qu’il vit avec Antoine. Il l’aime, ils s’aiment, ils vont se marier.

Les comédies romantiques commencent systématiquement dans une routine. Le personnage y est bloqué depuis des lustres, mais bientôt tout se bouscule : le cinéma surgit. Il y a une infinité de routines ; qu’elle soit à la limite du glauque (Pretty Woman), trop parfaite pour durer (Il était temps) ou tout simplement ennuyeuse (Toute première fois), elle doit passer d’un extrême à l’autre dans les 20 premières minutes du film. C’est une règle. La comédie romantique fonctionne comme une science, il y a un protocole à suivre. C’est un art qui ne s’improvise pas. Façon recette miracle, si la comédie romantique se revisite constamment, elle ne se réinvente pas. Toute première fois ne fait pas exception à la règle. Les passages obligés du genre sont présents, ce qui vaut un bon point considérable.

Lorsque Jérémie rencontre Adna – la bombe suédoise par excellence – les certitudes de toute une vie sont balayées d’un coup de cheveux blonds. Commence ainsi une double vie pour le personnage, tiraillé entre l’homo-heureux-futur-marié et l’hétéro-amoureux-transi.  Si les scénaristes dégotent là une sacrée perle comique, c’est au détriment d’un travail sur la dimension romantique. Du gag, du rythme et l’enchaînement logique de la narration font que le film fonctionne. On anticipe parfaitement l’immense merde dans laquelle s’enfonce notre ex-gay, et l’immanquable séquence où « rien ne va plus » – indissociable du genre – est particulièrement réussie grâce aux pires parents du monde et à un meilleur ami superbement casse-couille. La comédie, en somme, c’est l’aspect réussi du film.

Alors à quand l’amour ?

Pourtant, l’histoire de Jérémie et Adna ne procure aucun frisson, n’attise aucune jalousie et pire, ne donne pas envie d’être vécue.

S’il fallait résumer le genre romantique en un dogme, ce serait celui d’un processus d’identification irréprochable. Le spectateur doit vivre au travers de l’histoire des personnages, je dirais même qu’en sortant de la salle, il porte une croyance naissante, celle qu’un jour le destin amoureux lui tombera dessus. Bien sûr, personne ne vous avouera avoir eu un jour ces mièvres pensées, tout ça, ce ne sont vous dira-t-on que des conneries. Pourtant la comédie romantique est une catharsis heureuse, dommage de ne pas se laisser tenter.

Si l’on arrive à peine à croire en l’idylle d’Adna et Jérémie, c’est probablement parce qu’ils ont été écrits sans qu’on croit trop en eux, en leur potentiel magique. Souvenons-nous de Jacques Demy, qui dans Les Parapluies de Cherbourg arrivait à communiquer, par les larmes et la déception, le goût de l’amour. C’était une prise de risque incroyable, un saut périlleux dans l’histoire du récit amoureux. Le couple de Toute première fois est tout juste mignon, en grande partie à cause d’un Pio Marmai effacé, dont on peine à trouver les différences d’expressions entre lui amoureux et lui malheureux. Il manque à l’équipe du film, pourtant pleine de vie et de charme, la prestance des personnages romantiques, l’odeur vraisemblable du rêve éveillé.

Toute première fois, de Noémie Saglio et Maxime Govare, avec Pio Marmai, Franck Gastambide, Camille Cottin – Sortie le 28 janvier 2015

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