Get on up : un biopic musical qui manque de groove

Une foule hystérique, des dames d’un âge disons convenable pas loin d’arracher leur petite… non… leur grande culotte, une longue standing ovation : c’est peu dire qu’il y avait de la tension, électrique et sexuelle, vendredi, à Deauville, avant, pendant et à l’issue de la projection en avant-première du biopic “Get on up” consacré au “parrain de la soul”, James Brown.

Une ferveur d’ailleurs régulièrement provoquée par “Monsieur Dynamite” lui-même de son vivant lors de ses shows restés mythiques. Sauf que, malheureusement pour le réalisateur Tate Taylor et son interprète principal, Chadwick Boseman, présents dans la grande salle du CID pour l’occasion, ce n’est pas le film en lui-même qui a soulevé le public et agité toute la journée les planches deauvillaises, mais bien la présence en Normandie de Mick Jagger, leader des Rolling Stones depuis plus de 50 ans et, c’est moins connu, producteur via sa société Jagged Films.

C’est d’ailleurs lui qui, avec le célèbre producteur oscarisé, Brian Gazer, a soutenu ces dernières années ce projet de biopic sur celui qu’il a longtemps considéré comme l’un de ses mentors. Jagger était donc à Deauville vendredi, provoquant un début d’émeute, pour défendre et surtout donner un coup de projecteur, public et médiatique, à son bébé… qui en a bien besoin. Sorti le 1er août aux Etats-Unis, “Get on up” est, pour l’instant, un four. 23 millions de dollars seulement de recettes pour un budget de 55 millions.

Il y a trois ans, Tate Taylor avait connu un énorme succès, avec une sortie en plein coeur de l’été également, grâce à “La couleur des sentiments” (“The Help” – 4 nominations aux oscars, plus de 170 millions de dollars sur le seul sol US). La tentation était donc grande. Sauf que cette année, ses distributeurs, mal avisés, n’ont rien trouvé de mieux que de programmer “Get on up” face à un “petit” film signé Marvel. Vous avez peut-être entendu parler des “Gardiens de la Galaxie” ?

Taylor, Gazer et Jagger comptent donc désormais sur un carton relatif à l’international cet automne – le film sortira en France le 24 septembre prochain – pour sauver les meubles, le festival de Deauville servant de tremplin médiatique grâce à la seule présence du chanteur star des Rolling Stones.

Un pari qui semble difficile à tenir tant ce biopic musical a ses limites. A commencer par celui de manquer de groove. Un comble pour un long métrage consacré à celui qui a souvent été présenté comme l’un des interprètes majeurs de la scène soul et funk.

Une réputation d’ailleurs un chouïa surestimée, même si ses fans se gaussent à le présenter comme « le plus samplé au monde ». Certes, la bande son présente tout au long des 2h18 du film décoiffe, et on tape régulièrement du pied quand Brown entonne ses célèbres “Get Up (I feel like being a) sex machine”, “It’s too funky in here”, etc.

Mais les passages musicaux sont finalement – trop – rares et surtout vite délaissés par Taylor qui préfère se consacrer à l’homme derrière l’artiste. Et c’est là que le bât blesse. Brown était un génie musical, doublé d’un showman en avance sur son époque et d’un redoutable businessman. Son sens du spectacle, son énergie animale, sa voix, son look, son exubérance et ses rythmes musicaux en ont fait une star et une bête de scène. Mais l’homme lui était un personnage complexe, à l’égo surdimensionné, mégalo, parano, le plus souvent détestable. Des traits que Taylor se plait à surexploiter, insistant de manière trop appuyée sur ses côtés les plus sombres, avec l’aval de la famille de Brown et de ses proches.

Difficile dans ces conditions pour le public de ressentir un minimum d’empathie et de s’attacher au personnage central, malgré quelques pointes d’humour bien senties. Mais l’émotion elle reste le plus souvent aux abonnés absents.

La vie de Brown était également loin d’être passionnante. Une enfance difficile, quelques courts séjours en prison avant la révélation, les premiers succès, les séparations, les affres du show business, la drogue, les femmes… Rien de bien original. On en vient même à se demander si James Brown méritait vraiment un biopic à sa gloire. Un documentaire, d’ailleurs déjà prévu et chapeauté par… Mick Jagger, semble plus adapté au génie musical du chanteur, disparu en 2006, finalement sous exploité dans le long métrage.

Tout comme le racisme inhérent aux multiples époques traversées par Brown et ses acolytes et tout juste suggéré ici. Les choix de mise en scène de Taylor peuvent aussi laisser perplexe. Après le très conventionnel – et très réussi – “La couleur des sentiments”, le réalisateur américain au physique de playboy a choisi cette fois de déconstruire son récit, cassant la temporalité, alternant les flashbacks avec plus ou moins de réussite.

Difficile également de voir le moindre intérêt aux multiples interventions de Chadwick Boseman face caméra. Hormis ces gimmicks agaçants, le point fort du film réside dans la performance de ce jeune acteur (32 ans) prometteur, déjà convaincant sous les traits du célèbre baseballeur américain Jackie Robinson dans un autre biopic “42”, sorti directement en DVD chez nous.

Un Boseman bluffant, dans son look, son attitude, ses poses, sans tomber dans l’imitation, et surtout par ses prestations sur scène. Mentions également au maquillage et à la coiffure. “Get on up” reste donc malgré tout un film plaisant, parfois entraînant, qui ravira les fans de Brown, mais un film mineur. Et surement pas de quoi jeter sa petite – ou sa grande – culotte.

Get on up, de Tate Taylor avec Chadwick Boseman et Nelsan Ellis – Sortie le 24 septembre

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