La Dernière Echappée, où Onteniente s’essaie avec succès au biopic

Laurent Fignon a bercé mon enfance. Héros du Tour, intello du peloton, grande gueule de cycliste, le mec fut assurément le plus charismatique des cyclistes. De ceux qui ne suscitent pas la tiédeur. J’étais comme qui dirait un fan.

Puis il a ému le jeune adulte que je devins. Consultant de talent, pas du tout formaté pour la télé façon Jalabert mais plutôt adepte des coups de gueules bien sentis et spontanés (parfois trop pour France TV, d’ailleurs), il a donné une autre saveur au Tour de France, marquant les années où il le commenta du panache dont il fît tant preuve durant sa belle carrière.

Puis il y eut son dernier, son ultime Tour comme commentateur (en 2010), où sa voix était usée par le cancer qui se généralisait, où l’on sentait le monsieur succomber mais s’accrocher. De beaux moments de télévision, la passion d’un homme plus forte que sa raison, et l’envie d’encore une fois sublimer la course de ses propos avisés. L’émotion dans la voix, il remerciait France 2 avant de laisser entendre quelques trémolos dans sa voix usée.

Devant mon écran, je pleurais et pleure encore.


La vie de Laurent Fignon est un film à elle seule. Un film que tous les mordus de vélo ont assidument suivi pendant une vingtaine d’années. Comment les décideurs de France 2 ont-ils pu chercher à la (re)mettre en images, alors que les originales, d’images, parlent déjà assez pour elles-mêmes ? N’était-ce pas l’idée la plus casse-gueule de tous les temps ?

La réponse est non. Parce qu’Onteniente a pris le problème par le bon bout. A l’exercice perdu d’avance qu’aurait été une reconstitution de la vie de Fignon, il préfère se focaliser sur son dernier Tour en tant que consultant. Habile lorsqu’il s’agit de mettre en scène des situation comiques, il décide de centrer son récit autour de la relation complexe qu’entretiennent l’homme et son médecin, chargé de le suivre durant ses derniers coups de gueule.

Si Le Bihan fait ce qu’il peut dans le très difficile exercice d’incarner une telle icône si peu de temps après sa disparition, son partenaire de jeu, le talentueux Youssef Hadji (Mohammed Dubois) excelle. C’est dans ses yeux, plus que derrière les traits de Le Bihan, que Fignon vit. Il l’agace, l’énerve, le fascine, l’émeut tout autant qu’il trimballa ses fans d’émotion en émotion.

Le moment du film d’Onteniente le plus réussi, d’ailleurs, c’est celui où le médecin de Fignon, fâché contre ce bourru qui l’envoie balader en permanence, découvre les images d’archives du Tour 89, et des « fameuses 8 secondes » que tout mordu de cyclisme a encore en travers de la gorge…

Le conteur linéaire aurait focalisé son film sur ce morceau d’archive, Onteniente a lui compris que s’il s’agissait de faire une fiction, l’idée serait d’aller trouver le cinéma dans le regard du médecin. La scène fonctionne parfaitement, et l’on se prend à comprendre une relation pourtant sur le papier des plus caricaturales (le problème du biopic).

Et le film parvient – bel exploit – à rester sur cet étroit fil dans sa grande majorité, même s’il peine à convaincre dans son entame le mordu de cyclisme que je suis. Mettons ça sur le compte de la passion : qui sont ces gens qui veulent me faire revivre mes plus grandes émotions pour de faux ?

Calibré pour la télévision (pas de temps mort, un format assez court, une fin qui laisse des traces…), le film remplit finalement sa mission et, détail amusant pour tous les amoureux du Tour, laisse entrevoir les coulisses de France Télé sur les routes de France. Thierry Adam et Jean-Paul Olivier font de petites apparitions et Gérard Holtz s’essaie pour sa part carrément à l’acting dans un petit rôle, sans évidemment grande maestria, mais avec parfois des résidus d’émotion réelle qui laissent apparaître un souvenir touchant de la relation tantôt tendue tantôt enrichissante qu’il entretenait avec Fignon.

Vous en sortirez la larme à l’œil, preuve que le package, si opportuniste puisse-t-il paraître sur le papier, n’a pas été expédié, comme on aurait pu le craindre, sans souci du travail bien fait.

La Dernière Echappée, Fabien Onteniente avec Samuel le Bihan, mercredi 2 juillet à 21h sur France 2.

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