Je ne sais pas pourquoi, mais j’ai emmené ma meuf voir Non Stop

Marie, ma chère et tendre, que vous lisez parfois dans ces colonnes, est du genre cinéphile. Lorsque je l’ai rencontrée, elle ne jurait que par des films dont je ne comprenais même pas le titre, et qui mettaient en général en scène des acteurs inconnus ne faisant pas grand chose d’autre que de parler de choses et d’autres.

Moi, j’ai toujours aimé Bruce Willis, Liam Neeson et consorts. C’est dans ma nature, je suis plutôt un beauf.

Le contraste qui transparaît de notre couple a donné lieu à un syncrétisme détonant, faisant qu’il arrive fréquemment les longs soirs d’hiver que nous enchaînions un film yougoslave et un film d’action américain. On s’est chacun fait à l’autre, sans pour autant en venir à trop se foutre de sa gueule : il ne faut pas franchir le pallier de l’ennui profond, dans ses choix, ni celui du cassage d’oreilles abruti dans les miens.

Installé entre 4 mangeurs de pop-corns casquettés, j’ai pris conscience de ma potentielle erreur de dimanche soir à quelques minutes du début de Non Stop. Que foutait-on, Marie et moi, dans cette grande salle de l’UGC les Halles, à attendre fébrilement que Liam Neeson dézingue de l’ingénieur aéronautique ?

J’ai serré fort la main de ma dulcinée, comme pour lui montrer une dernière fois mon amour absolu tandis que les lumières s’éteignaient. Et le film a commencé. D’ordinaire, durant les bastons, j’échange des regards complices et rigolards avec Marie, comme pour lui montrer que je ne prends pas ça au sérieux… Cette fois, je ne l’ai presque pas regardée du film. D’abord parce que j’étais vachement happé par l’intrigue, ensuite parce que je savais bien que c’était peut-être un peu beaucoup pour elle.

J’espérais que le film ne s’arrête jamais, que le générique de fin où les lumières se rallumeraient et la salle se lèverait n’arriverait jamais.

Pourtant, au bout d’une heure quarante, lorsque Liam Neeson avait enfin sauvé le monde, elle s’est tournée vers moi et m’a dit :

– Ca, plus jamais.

Alors là j’ai compris que je n’avais qu’une défense possible…

– Tu rigoles, c’était GÉNIAL !

– Sérieux t’as trouvé ça bon ? Le mec ne connaît même pas la règle des 180° quoi…

Je ne connais pas la règle des 180 degrés. Alors j’ai pris deux minutes pour réfléchir et créer un blanc dans la conversation qui ne pourrait, pensais-je, que m’être profitable.

180 degrés, est ce que c’est une histoire de cinéma ou une histoire d’avion dans le film ? Parce que le pilote à un moment tourne à 180 degrés je crois. En même temps, Marie n’y connait absolument rien en avion.

Marie étudie le cinéma. 180 degré, ça doit être une histoire de température sur un plateau pour que dans les films d’action, les héros suent.

Allez, je me lance :

– Pourtant, il sue bien Liam Neeson.

– Je t’ai pas parlé de ça.

Merde. 1-0.

– Non mais sérieux quoi, le mec n’a rien compris au cinéma, son montage est moche, il y a plein de faux raccords et tout.

Et c’est dans une diatribe sur le plaisir coupable, le ressenti du spectateur que j’ai d’abord espéré m’en sortir.

– Non, Bruce Willis, ce sont de bons plaisirs coupables, là, c’est de la merde.

2-0

Un truc qui légitimerait l’existence du film par le public de mecs auquel il serait exclusivement réservé ?

– Fais pas genre t’aimes pas les films de meuf.

– Ouais, mais la théorie du genre a merdé sur moi.

– TE FOUS PAS DE MA GUEULE !

– Pardon.

On a conclu la conversation avec un accord qui me casse bien les couilles. Oui, je lui ai donné un « bon » pour m’emmener voir un film « au rythme lancinant et aux qualités esthétiques irréprochables ».

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