J’ai regardé les César 2014 : palmarès et résumé

Hier après-midi, ce gougnafier de Gaël Martin m’a envoyé un texto. J’aurais dû me méfier : « Ce soir, je vais réparer le lave-linge d’un ami trompettiste. Tu pourras regarder les César et en faire un article demain matin ? »

Je ne suis pas un grand adepte des cérémonies de récompenses, mais étant assez fan des deux films préférés de tout le monde l’an dernier (La Vie d’Adèle & L’Inconnu du Lac), je me dis qu’il sera amusant de voir se succéder sur scène tous les gens qui firent que ces films ont pu exister. Je caressais également l’envie de voir la trogne de Claire Mathon, qui a signé la magnifique photo de L’Inconnu du Lac, d’une part parce que je trouve son boulot formidable, d’autre part parce que je pourrais tweeter une blague sur le fait de s’appeler Mathon et de faire de la photo (vous l’avez ?).

Je suis donc allé illico m’acheter une pizza quatre fromages au Franprix (payée 4 euros 53, ndlr), que j’ai fait cuire comme expliqué sur la boite, et entamée lorsque Cluzet entra sur scène pour ouvrir le bal. Premier étonnement, le mec n’est pas en chaise roulante. Un escroc, ce type. A l’issue d’une diatribe de 5 minutes, j’ai commencé à sentir l’entourloupe : je n’avais pas souvenir que Gaël m’ait déjà parlé d’un ami trompettiste. Et François Cluzet avait déjà eu raison de mon attention, je me surprenais à découper des bouts de ma pizza pour lui donner l’air d’un visage humain.

Focus, je revenais au principal et applaudissais des deux mains l’arrivée dans la salle de la maîtresse de cérémonie, la pétillante Cécile de France. Il suffit de 3 minutes pour que de pétillante elle passe à pas drôle, 6 minutes à ennuyeuse, 20 minutes à « je me doutais bien qu’on n’aurait jamais dû prendre une Belge ».

21h07, pensée pour Gaël qui doit être en train de réparer un lave-linge, et dont je dois pallier l’absence avec le sérieux qui me caractérise d’ordinaire, parce que quand même, c’est à moi qu’il a fait appel.

Les récompenses s’enchaînent. Grand gagnant, Guillaume Gallienne. Je voudrais pas trop me la péter, mais je l’avais prévu dans mon article dédié à son film à l’occasion de Cannes 2013. A Cinématraque, on n’est pas malheureux de sa victoire, mais on est vachement déçus qu’elle empêche La Vie d’Adèle et surtout L’Inconnu du Lac de remporter plein de statuettes. Et on se pose des questions, du coup, qu’on aimerait bien soumettre à l’Académie des César :

Les Garçons et Guillaume, meilleur film, bat La Vie d’Adèle. Est-ce que ça veut dire que le film aurait pu gagner la Palme d’Or à Cannes ?

– Le meilleur réalisateur de 2013, Roman Polanski, n’a pas fait le meilleur film de 2013. C’est chelou, non ?

– C’est quoi cet acharnement autour de Di Caprio, qui repart à nouveau bredouille d’une cérémonie de remise des prix ?

La star de la soirée, c’était la jolie Scarlett Johannson, digne remplaçante de Kévin Costner dans le rôle de l’Américaine parmi les rigolos frenchies qui va bien rigoler à nos blagues mais en réalité met à profit la soirée pour avancer dans Candy Crush. La pauvre était accompagnée du seul mec capable de s’en sortir sans paraître plante verte dans ce genre d’événement, Quentin Tarantino. Un as de l’entertainment, qui ne remporte même pas la statuette du meilleur film étranger pour son pourtant superbe Django, battu par le chic mais assez mineur Alabama Monroe.

Sur scène, Cécile de France, Alex Lutz, Kev Adams et consorts sont représentatifs de l’état des lieux de l’humour à la française version 2014. Bien terne. Dans la salle, en costard, ces gens qui ont voté en masse pour le sympathique Guillaume Gallienne rendent parfaitement compte du fossé qui se creuse et qui, à l’instar des mécanismes plus généraux de notre société, font passer copinage, bonne com’ et gros sous avant l’audace, la prise de risques et le talent.

A un mec produit par le CNC, France Télé & Canal on remet la statuette du meilleur court-métrage. A ce mec qui n’en a pas besoin on remet donc la distinction sensée encourager et briller dans un CV. Belle preuve de reconnaissance, et bel encouragement pour les wannabe qui n’ont pas Léa Drucker dans leur court-métrage qu’ils galèrent à financer…

Gallienne cumule le César du meilleur premier film et celui du meilleur film tout court, sans que ça ne choque personne dans la salle. C’est pourtant comme donner une promotion à un mec qui arrive pour son premier jour au boulot.

Le cinéma français a ceci de désagréable qu’il n’a hier soir encore pas osé récompensé l’audace, y préférant les films et acteurs installés, qui ont su trouver leur public et plaire à tout le monde sans déplaire à personne. Il eut été plus casse-gueule, certes, mais plus intéressant aussi de faire de Pierre Niney un chouette maître de cérémonie, moins glam mais plus drôle. De L’Inconnu du Lac un parfait meilleur film, plus polémique peut-être, mais plus important également.

Finalement, les César se font le reflet d’une opinion pisse-tiède des professionnels du cinéma qui ont les rênes, et à qui l’on reproche fréquemment sans qu’ils ne l’admettent un manque flagrant d’originalité et de culot dans le paysage cinématographique français. Tant dans le fond (hier soir, les films) que dans la forme (la bien terne cérémonie).

0h00, fin de cérémonie. J’ai ri 2 fois, grâce à Pierre Niney et Stéphane de Groodt. Cette soirée fut un fiasco, et me vient telle une révélation cette réflexion : mais au fait, Gaël Martin ne sait pas réparer les lave-linge ! Quel escroc, ce type…

Le Palmarès complet :

MEILLEUR ESPOIR FEMININ

Lou de Laâge dans Jappeloup
Pauline Etienne dans La Religieuse
Adèle Exarchopoulos dans La Vie d’Adèle
Golshifteh Farahani dans Syngué Sabour – Pierre de Patience
Marina Vacth dans Jeune & Jolie

MEILLEUR ACTEUR DANS UN SECOND ROLE

Niels Arestrup dans Quai d’Orsay
Patrick Chesnais dans Les Beaux jours
Patrick d’Assumçao dans L’Inconnu du lac
François Damiens dans Suzanne
Olivier Gourmet dans Grand Central

MEILLEURS COSTUMES

Florence Fontaine pour L’Ecume des jours
Madeline Fontaine pour L’Extravagant voyage du jeune et prodigieux T.S. Pivet
Olivier Bériot pour Les Garçons et Guillaume, à table !
Anina Diener pour Michael Kohlhaas
Pascaline Chavanne pour Renoir

MEILLEURS DECORS

Stéphane Rozenbaum pour L’Ecume des jours
Aline Bonetto pour L’Extravagant voyage du jeune et prodigieux T.S. Pivet
Sylvie Olivé pour Les Garçons et Guillaume, à table !
Yan Arlaud pour Michael Kohlhaas
Benoît Barouh pour Renoir

MEILLEUR FILM D’ANIMATION DE COURT-METRAGE

Lettres de femmes réalisé par Augusto Zanovello
Mademoiselle Kiki et les Montparnos réalisé par Amélie Harrault

MEILLEUR FILM D’ANIMATION DE LONG-METRAGE

Aya de Yopougon réalisé par Marguerite Abouet et Clément Oubrerie
Loulou l’incroyable secret réalisé par Eric Omond
Ma maman est en Amérique, elle a rencontré Buffalo Bill réalisé par Marc Boréal, Thibaut Chatel

MEILLEUR ESPOIR MASCULIN

Paul Bartel dans Les Petits princes
Pierre Deladonchamps dans L’Inconnu du lac
Paul Hamy dans Suzanne
Vincent Macaigne dans La Fille du 14 juillet
Nemo Schiffman dans Elle s’en va

MEILLEUR PREMIER FILM

La Bataille de Solférino réalisé par Justine Triet
La Cage dorée réalisé par Ruben Alves
En solitaire réalisé par Christophe Offenstein
La Fille du 14 juillet réalisé par Antonin Peretjatko
Les Garçons et Guillaume, à table ! réalisé par Guillaume Gallienne

MEILLEUR FILM DOCUMENTAIRE

Comment j’ai détesté les maths réalisé par Olivier Peyon
Le Dernier des injustes réalisé par Claude Lanzmann
Il était une forêt réalisé par Luc Jacquet
La Maison de la radio réalisé par Nicolas Philibert
Sur le chemin de l’école réalisé par Pascal Plisson

MEILLEURE MUSIQUE ORIGINALE

Jorge Arriagada pour Alceste à bicyclette
Loïk Dury, Christophe «Disco» Minck pour Casse-tête chinois
Etienne Charry pour L’Ecume des jours
Martin Wheeler pour Michael Kohlhaas
Alexandre Desplat pour La Vénus à la fourrure

MEILLEURE ACTRICE DANS UN SECOND ROLE

Marisa Borini dans Un Château en Italie
Françoise Fabian dans Les Garçons et Guillaume, à table !
Julie Gayet dans Quai d’Orsay
Adèle Haenel dans Suzanne
Géraldine Pailhas dans Jeune & Jolie

MEILLEUR FILM DE COURT-METRAGE

Avant que de tout perdre réalisé par Xavier Legrand
Bambi réalisé par Sébastien Lifshitz
La Fugue réalisé par Jean-Bernard Marlin
Les Lézards réalisé par Vincent Mariette
Marseille la nuit réalisé par Marie Monge

MEILLEUR SCENARIO ORIGINAL

Albert Dupontel pour 9 mois ferme
Philippe Le Guay pour Alceste à bicyclette
Alain Guiraudie pour L’Inconnu du lac
Asghar Farhadi pour Le Passé
Katell Quillévéré, Mariette Désert pour Suzanne

MEILLEURE PHOTOGRAPHIE

Thomas Hardmeier pour L’Extravagant voyage du jeune et prodigieux T.S. Pivet
Claire Mathon pour L’Inconnu du lac
Jeanne Lapoirie pour Michael Kohlhaas
Mark Ping Bing Lee pour Renoir
Sofian El Fani pour La Vie d’Adèle

MEILLEURE ADAPTATION

Guillaume Gallienne pour Les Garçons et Guillaume, à table !
Arnaud Desplechin, Julie Peyr, Kent Jones pour Jimmy P.
Antonin Baudry, Christophe Blain, Bertrand Tavernier pour Quai d’Orsay
David Ives, Roman Polanski pour La Vénus à la fourrure
Abdellatif Kechiche, Ghalya Lacroix pour La Vie d’Adèle

CESAR D’HONNEUR : Scarlett Johansson par Quentin Tarantino

MEILLEUR MONTAGE

Christophe Pinel pour 9 mois ferme
Valérie Deseine pour Les Garçons et Guillaume, à table !
Jean-Christophe Hym pour L’Inconnu du lac
Juliette Welfling pour Le Passé
Camille Toubkis, Albertine Lastera, Jean-Marie Lengellé pour La Vie d’Adèle

MEILLEUR SON

Marc-Antoine Beldent, Loïc Prian, Olivier Dô Hùu pour Les Garçons et Guillaume, à table !
Philippe Grivel, Nathalie Vidal pour L’Inconnu du Lac
Jean-Pierre Duret, Jean Mallet, Mélissa Petitjean pour Michael Kohlhaas
Lucien Balibar, Nadine Muse, Cyril Holtz pour La Vénus à la fourrure
Jérôme Chenevoy, Fabien Pochet, Jean-Paul Hurier pour La Vie d’Adèle

MEILLEUR FILM ETRANGER

Alabama Monroe réalisé par Félix Van Groeningen
Blancanieves réalisé par Pablo Berger
Blue Jasmine réalisé par Woody Allen
Dead Man Talking réalisé par Patrick Ridremont
Django Unchained réalisé par Quentin Tarantino
La Grande Bellezza réalisé par Paolo Sorrentino
Gravity réalisé par Alfonso Cuaron

MEILLEUR REALISATEUR

Albert Dupontel pour 9 mois ferme
Guillaume Gallienne pour Les Garçons et Guillaume, à table !
Alain Guiraudie pour L’Inconnu du lac
Arnaud Desplechin pour Jimmy P.
Asghar Farhadi pour Le Passé
Roman Polanski pour La Vénus à la fourrure
Abdellatif Kechiche pour La Vie d’Adèle

MEILLEURE ACTRICE

Fanny Ardant dans Les Beaux jours
Bérénice Bejo dans Le Passé
Catherine Deneuve dans Elle s’en va
Sara Forestier dans Suzanne
Sandrine Kiberlain dans 9 mois ferme
Emmanuelle Seigner dans La Vénus à la fourrure
Léa Seydoux dans La Vie d’Adèle

MEILLEUR ACTEUR

Mathieu Amalric dans La Vénus à la fourrure
Michel Bouquet dans Renoir
Albert Dupontel dans 9 mois ferme
Grégory Gadeboi dans Mon âme par toi guérie
Guillaume Gallienne dans Les Garçons et Guillaume, à table !
Fabrice Luchini dans Alceste à bicyclette
Mads Mikkelsen dans Michael Kohlhaas

MEILLEUR FILM

9 mois ferme réalisé par Albert Dupontel
Les Garçons et Guillaume, à table ! réalisé par Guillaume Gallienne
L’Inconnu du lac réalisé par Alain Guiraudie
Jimmy P. réalisé par Arnaud Desplechin
Le Passé réalisé par Asghar Farhadi
La Vénus à la fourrure réalisé par Roman Polanski
La Vie d’Adèle réalisé par Abdellatif Kechiche

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3 thoughts on “J’ai regardé les César 2014 : palmarès et résumé

  1. D’accord avec tout ton texte… Ou presque : Alabama Monroe n’est pas si « mineur » que ça, moi il m’a beaucoup touché, alors que le Django est un ratage presque complet, à mes yeux.
    Et sinon, tu nous a caché le plus important : la pizza était-elle bonne?

    1. Un gros kif, même si ça manquait pas mal de fromage de chèvre…
      C’est donc moyen un bon plan les pizzas Franprix. T’AS COMPRIS T’AS COMPRIS ?

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