La Jalousie : quand l’émotion vient à manquer

Par le trou d’une serrure, une petite fille assiste à la séparation de ses parents, témoin impuissant du départ de son père. Cette petite fille, c’est Philippe Garrel, enfant, dont le père Maurice (interprété ici par son propre fils, Louis) quitte la mère pour une autre femme. La première scène de La Jalousie reprend à son compte les motifs du cinéma de son auteur : la convocation du personnel et de l’intime dans un cadre romanesque et fantasmé, le naturel d’une mise en scène pourtant méticuleuse, la beauté plastique de la photographie qui rejette le naturalisme tout en approchant le réel au plus près. On se situe aux antipodes des autobiographies narcissiques d’une Valeria Bruni Tedeschi, et, sur le papier, ça pourrait marcher.

Mais le projet va rapidement tourner à vide. Philippe Garrel semble animé d’une trop grande volonté de contrôle, au détriment du bel élan romanesque qui irradiait des films comme Sauvage innocence ou les Amants réguliers. Résultat : les personnages semblent être pétrifiés dans le carcan d’une mise en scène ultra stylisée et de dialogues sur-écrits, en constant décalage avec la relative banalité du récit. L’histoire de Louis et Claudia, vouée à l’échec comme le laisse supposer le titre du film, ne provoque aucune émotion, comme si les personnages évoluaient côte à côte mais ne se rencontraient jamais, simples faire-valoir d’un récit trop programmatique. Pour résumer, la spontanéité est à tout moment calculée : le comble pour un cinéaste de l’instant, qui ne double jamais (ou presque) ses prises.

Certes, le film est plastiquement très beau, Louis Garrel illumine l’écran de son aura magnétique, et Anna Mouglalis donne à son personnage un charme discret et envoûtant. Mais le spectateur devra se contenter de ce bel emballage. A l’image de la musique de Jean-Louis Aubert qui traverse le film de bout en bout : c’est joli, mais ça sonne un peu creux.

La Jalousie, Philippe Garrel, avec Louis Garrel, Anna Mouglalis, Rebecca Convenant, France, 1h17.

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2 thoughts on “La Jalousie : quand l’émotion vient à manquer

  1. Vous avez raison d’être réservée sur ce film, je le suis bien plus que vous. Je ne sais pas si Louis G « illumine l’écran » comme vous dites, je crois que personne n’illumine rien dans La Jalousie; c’est un film éteint, où toutes les mythologies de Garrel achèvent de se consumer. Dans les braises, il n’y a plus rien d’ardent, tout est froid, gelé.

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