Magic Magic : Chili con tarée

Vendu comme un film d’épouvante psychologique, Magic Magic est avant tout un teen movie pertinent sur le mal-être de l’adolescence et les dérives sadiques qui en découlent. En jouant sur l’ambiguïté des personnages et les codes du genre, le film réussit à rendre surnaturel un cas clinique de schizophrénie. Une étrangeté entretenue par la Nature sauvage du Chili et son mysticisme ancestral.

Ça pourrait ressembler à Evil Dead. Une bande d’ados part dans une maison de vacances isolée dans la campagne chilienne et se retrouve confrontée à la dégénérescence mentale de l’un d’entre eux. Mais ici, pas de Livre des morts ni d’emprise démoniaque. Seulement la progression inquiétante d’une schizophrénie favorisée par la perte de repères dans un pays étranger et l’exclusion sociale. Rien de magique, donc, contrairement aux promesses du titre. Plutôt un habile détournement des codes du genre pour créer la confusion dans l’esprit du spectateur et y insinuer une appréhension paranormale des événements.

Si les faits sont d’ordre médical, ils revêtent en effet une dimension fantastique grâce à la représentation graphique du Chili et de ses rites. Située dans le sud du pays, l’intrigue prend pour décors de vastes étendues d’eau bleutée, parsemées de petites îles, où subsistent encore les Mapuches, une tribu amérindienne. Alicia est comme possédée par cette Nature sauvage ambiante. Elle subira en dernier recours une purification traditionnelle assurée par la chamane locale. L’Exorciste fait d’ailleurs partie des références du réalisateur, tout comme les films de Roman Polanski (Répulsion en tête).

A l’instar du cinéaste polonais, Sebastián Silva joue avec nos nerfs en ne délivrant que très peu d’informations sur les personnages et leurs intentions. En résulte une incertitude permanente qui place le public dans l’état d’angoisse d’Alicia. Outre le fait de déstabiliser, cette caractérisation tout en intériorité dépeint avec subtilité l’adolescence et ses tourments destructeurs (l’homosexualité mal assumée de Brink ; l’avortement de Sara…). Obnubilée par ses problèmes, la petite bande ne prête en effet aucune attention au déclin psychique de la malheureuse. Dans un sadisme inconscient, elle en arrive même à défouler son malaise sur celle-ci.

Avec ce teen movie déguisé en film d’épouvante, Sebastián Silva signe un exercice de style original et cauchemardesque, qui mérite le coup d’œil.

Magic Magic, Sebastián Silva, avec Michael Cera, Juno Temple, Emily Browning, États-Unis, 1h37.

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