Elle s’en va : l’adolescence à soixante ans

Bettie est à un moment de sa vie tellement pesant qu’une bouffée d’air frais devient nécessaire. Elle lance un « je reviens » à ses employés. Surprenant tout le monde, à commencer par elle-même, elle se lance finalement dans un grand tour de France, ponctué de lieux et de rencontres aussi inattendus qu’improbables.

Avant de parler d’Elle s’en va, parlons de Catherine Deneuve, si vous le voulez bien. La retrouver aujourd’hui à l’écran, c’est voir resurgir instantanément ses anciens rôles. Une longue carrière n’explique pas ces flashbacks visuels. Il faut ce petit plus que peu ont. Catherine Deneuve l’a. Elle est le cinéma français. Le constat peut sembler facile, galvaudé ou pompeux, il n’en est pas moins vrai. A l’enthousiasme de voir son nom au casting peut succéder le regret de constater qu’un réalisateur ait loupé son rendez-vous, n’ait pas su composer avec ces images. François Ozon l’avait ingénieusement fait dans Potiche, en l’égratignant respectueusement. Christophe Honoré offrait une belle composition de fille légère, amoureuse et chantante – et pour la première fois avec sa vraie voix – dans Les Bien-Aimés. (Note : la voir tronçonner des requins apportés par une tornade sera certes une image nouvelle pour elle, je ne suis pas pour autant sûre d’être convaincue par l’idée).

Malgré ses soixante-trois ans (dans la vraie vie, elle n’a pas d’âge, puisqu’elle est le cinéma français), Bettie est plus proche d’une adolescente : amoureuse d’un homme marié, un avenir professionnel trouble, une mère envahissante (parfaite Claude Gensac). Son comportement lors de sa fugue confirme cette idée : se remettre à fumer, soirée entre filles, dormir dans des lieux incongrus. Sa spontanéité facilite les rencontres atypiques. Le début du film évoque un documentaire, et permet des scènes d’une drôlerie rarement vue avec Catherine Deneuve, que ce soit avec le rouleur de cigarette, ou avec le jeune Marco qui, aussi amoureux que maladroit, lui rappellera son statut de sexagénaire.

Puis un appel de sa fille organise alors son voyage. Le film prend un ton plus classique. Au contact de son petit-fils, on comprend pourquoi elle est passée à côté de sa vie, sans regard sans regrets ni mélancolie sur son passé. Bettie a su garder une liberté de penser et d’agir, malgré les reproches de sa famille, où « personne ne s’aime », comme le relève son petit-fils. Un road movie en forme de rendez-vous réussi avec Catherine Deneuve, que l’on retrouve et redécouvre : la vie est vraiment loin de s’arrêter à soixante ans.

Elle s’en va, Emmanuelle Bercot, avec Catherine Deneuve, Nemo Schiffman, Gérard Garouste, France, 1h53.

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