Tirez la langue, mademoiselle : un mélo entre chien et loup

Boris et Dimitri Pizarnik sont médecins dans le treizième arrondissement de Paris. Les deux frères travaillent ensemble et se consacrent pleinement à leurs patients. Une nuit, ils soignent une jeune diabétique, Alice, que sa mère Judith élève seule. L’un et l’autre tombent follement amoureux de la jeune femme.

Dans Tirez la langue, mademoiselle, Axelle Ropert présente deux personnages qui entretiennent une relation hors du commun dans le cadre d’un quotidien discret et sans heurts. Entièrement dévoués à leurs patients, qu’ils visitent dans l’intimité de la nuit, Dimitri et Boris mènent une vie un peu terne. La tendresse et la cruauté de l’ordinaire, tragédie sourde, laissent des marques et creusent des sillons dans les deux cœurs tendres de ces frères doux comme des agneaux. Aussi Judith, jeune femme lumineuse et enchanteresse (Louise Bourgoin irradie), apparaît comme leur sauveuse, lueur dans leur horizon froid. Pourrait alors s’instaurer le traditionnel triangle amoureux, qui donne à voir la souffrance de l’un et le bonheur des autres. Mais en réalité, le sujet est immédiatement évacué ; ce n’est pas la rivalité mais l’acceptation qui est ici le sujet central. Rien ou presque ne vient perturber le ronron journalier, pas un cri, pas une larme, on préférera faire taire la douleur. Coup de chance, c’est le travail des médecins !

Axelle Ropert fait régner une pudeur et une résignation lourdes, dont elle définit les contours avec délicatesse certes (on pense au départ de Dimitri et à la lecture de sa lettre), mais on finit par s’interroger sur ses intentions. L’espace d’un instant, on se demande si Tirez la langue, mademoiselle est une comédie dramatique mâtinée de second degré ou la vision ingénue de quelqu’un qui aurait choisi d’abhorrer le cynisme. Une scène dans laquelle Charles (Serge Bozon), un ami très malade des frères Pizarnik, s’oublie devant eux sans s’en apercevoir, en est l’exemple le plus parlant. Puis on penche pour la seconde option.

La naïveté et le rapport sans détour au sentiment amoureux relèvent à n’en pas douter d’une vision généreuse et confiante du genre humain, mais tout cela manque de vie et de nuances. Malgré la sublime présence de Judith, Boris et Dimitri peinent à reprendre des couleurs.

Tirez la langue, mademoiselle, Axelle Ropert, avec Louise Bourgoin, Cédric Kahn, Laurent Stocker, France, 1h42.

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