Mohamed Dubois, l’assassinat d’Eric Judor

Eric Judor sans Ramzy Bédia, c’est l’histoire d’une courbe sinusoïdale dont on ne connaissait jusqu’ici que les hauts. Wrong de Dupieux l’avait hissé au rang d’icône du no reason, et Platane, la série de Canal Plus, l’avait sacré Ricky Gervais made in France. D’Eric Judor avait émané, chose rare, un personnage se baladant de film en série, comique gaffeur mythomane qui séduisait à peu près tout le monde, de l’aficionado d’H la série au critique pointu de Télérama.

En bon ayatollah de la Judor’s touch, j’étais mercredi parmi les premiers à prendre, confiant comme tout, mon billet pour Mohamed Dubois, film peu prometteur sur le papier – mais personne n’est encore parvenu à faire une promo correct d’un film avec Judor.

Arnaud Dubois n’a pas un physique bien français, mais semble pourtant être né de deux aristos parisiens. Lorsqu’il vient à en douter, se mettant en tête que c’est d’origine tunisienne qu’il est, il change son patronyme bourgeois pour Mohamed Bouchouch, et se métamorphose en conséquence, troquant notamment son job pépère d’employé de banque pour un boulot de vendeur dans un kébab.

Le mensonge. C’est là la plus acérée des flèches à l’arc d’Eric Judor comédien. Le voir improviser dans des saillies hilarantes quelques excuses toujours plus tirées par les cheveux pour se tirer d’une situation gênante est source de fous rires systématiques. Ainsi, dans Platane, il embrouillait un peu tout le cinéma français pour parvenir à réaliser La Môme 2, et dans H, il campait le rôle d’Aimé, prêt à tout pour pécho la première paire de fesses.

Ici, tout démarre assez lentement, mais les pions sont tout de même placés pour que d’Eric émane le comique habituel. Mohamed est Arnaud, ne parle pas arabe et ment à tout le quartier.  Premiers quiproquos tardifs et assez mal rythmés, on rit tout de même de bon cœur de voir le visage touchant de Judor ne jamais se laisser aller à la vérité. On rit de le voir se dépêtrer de chaque situation sans réfléchir aux conséquences.

La morale, ou plutôt l’absence de morale, c’est toujours ce qui a réussi à Eric et Ramzy. De gags méchants, racistes, vulgaires voire nazis (Halal Police d’Etat va assez loin), ils ne tirent rien si ce n’est des éclats de rire. Ne s’excusant avec personne pour bien froisser tout le monde, les deux zigotos ne font jamais dans la dentelle, et c’est d’ailleurs ce qui fait redoubler leur candeur apparente. Eric et Ramzy sont deux enfants, qui parlent et mentent comme des enfants. On leur pardonnera tout, parce qu’ils en sont.

Dans Mohamed Dubois, une scène attire particulièrement l’attention, puisque cassant le personnage Judor. Eric est à table avec sa belle famille, tentant de bluffer encore et encore, lorsqu’un personnage sensé l’aider dans son mensonge le trahit, le mettant devant le fait accompli. Eric acteur ne sait trop que faire, la scène est gênante de fausseté. Oserait-on faire mourir John McClane ? Oserait-on faire pleurer James Bond ? Oserait-on refuser une blonde à Indiana Jones ?

Eric Judor, mon Eric Judor a avoué et s’est morfondu. Ernesto Ona, le réalisateur, l’y a forcé. Il va maintenant falloir que je me résolve à oublier, faire abstraction de ce faux pas, revisionner tous les précédents films, et espérer de Platane saison 2 (attendue courant de l’année) un sursaut d’orgueil.

Mieux, ce qu’il me faudrait, c’est un démenti d’Eric Judor, une vidéo où il m’expliquerait que Mohamed Dubois, c’était un film avec Maurice Judor, son frère jumeau. Oui, ça, ça serait parfait.

Mohamed Dubois, Ernesto Ona, avec Eric Judor, Sabrina Ouazani, Youssef Hajdi, France, 1h32.

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