Borgman, d’Alex Van Warmerdam – Compétition officielle

Hormis pour Les Habitants (1992), devenu culte grâce à un bouche-à-oreille dithyrambique lors de sa récente ressortie en salle, en France, on connaît assez peu le cinéaste et metteur en scène néerlandais Alex Van Warmerdam. Borgman est pourtant son huitième film.

Drôle et cruel.

Cette comédie noire nous conte de façon surréaliste l’implosion d’une famille d’apparence parfaite, par l’intrusion progressive dans leur belle maison de Camiel Borgman, type étrange qui au départ voulait « juste prendre un bain parce qu’il pue ».

Le talent de Van Warmerdam tient probablement à sa façon de ne rien revendiquer, de dérouler son film à la façon d’un rêve (les décors ne ressemblent d’ailleurs à rien d’autre que des décors), sans savoir ce que sera la scène suivante… On ne boude pas son plaisir de se laisser ainsi prendre au jeu de l’absurde.

Quand Tati croise Haneke.

Les scènes de violence physique et l’irruption de Camiel dans la maison bourgeoise ne sont pas sans rappeler les deux hommes aux gants blancs du Funny Games d’Haneke, et à l’instar d’un Jacques Tati (où d’un Michel Gondry, quand il est en forme), chaque nouvelle séquence de Borgman est l’occasion d’un foisonnement d’idées, plus originales les unes que les autres, et d’une maîtrise esthétique indéniable : image léchée, subtilement cadrée, jeu parfait des acteurs (principalement de théâtre) ; cette mise en scène au scalpel nous fait admettre la violence du film. Petit à petit, le spectateur est emmené au large où, loin de la berge, il touchera enfin le fond.

Anarchie programmée.

Si le mix « non-dit + non-sens » est clairement la partition jouée par le cinéaste, et qu’il prétend lui-même ne pas vouloir délivrer de message à travers son film, on ne peut s’empêcher d’y deviner une satire de la société bourgeoise : lorsque l’on arrache le vernis, ne restent plus que le vide, la peur, la jalousie, la xénophobie et la frustration sexuelle.

Borgman est donc un film curieux, drôle et dérangeant à la fois, une œuvre sombre et désespérée qui, sans doute, laissera son public plus songeur que rêveur.

Borgman, Alex Van Warmerdam, avec Jan Bijvoet, Hadewich Minis, Jeroen Perceval, Pays-Bas, 1h53.

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