« Shadow Dancer », à l’aube d’un jour nouveau

Pur produit BBC, précis, intelligent, mesuré, avec une excellente distribution (on prendra garde à Domhnall Gleeson, acteur irlandais qui impressionnait déjà dans Anna Karénine), Shadow Dancer met face à face une terroriste irlandaise prise dans un réseau d’intérêts complexes (Andrea Riseborough) et un agent des services secrets de deuxième zone (Clive Owen) qui « retourne » la jeune femme pour en faire une informatrice. Adapté du livre d’un journaliste correspondant pour la télévision britannique en Irlande du Nord dans les années 90, le film met en parallèle le fonctionnement de deux armées au moment clef où la branche armée du Sinn Fein est en train d’abandonner la lutte. Alors que l’armée républicaine irlandaise fait du lien familial la garantie de l’allégeance à sa cause, l’efficacité du MI5 repose sur l’anonymat des agents et sur des relations détachées de tout affect. Abandonnée par sa hiérarchie, traquée par les anglais, la famille de Collette Mc Veigh, qui refuse d’abandonner les armes, est vouée à disparaître (dans la plus belle scène du film, la communauté se masse autour du cercueil d’un membre de l’IRA et fait passer un revolver aux activistes qui tirent en l’air, tandis que tous lèvent le poing et scandent le Tiocfaidh ár lá / Notre jour viendra. Autour d’eux, la police fait bloc pour les empêcher d’enterrer le combattant « en soldat »).

Mais en désertant le champ historique pour investir le champ familial, le réalisateur prend le parti du thriller psychologique qu’il peine à mener à bien. Si la subtilité de la mise en scène fonctionne à plein dans certaines scènes (l’ouverture, épatante, transforme un banal trajet en métro en angoissant face à face de la jeune femme avec sa détermination et sa peur), elle se dilue, au point d’en devenir allusive. Au fur et à mesure que le danger se précise et que les mensonges de Collette s’accumulent, le personnage s’opacifie. Les rencontres avec l’agent, qui devraient alors être décisives, manquent d’intensité. La mise en scène en sous-régime se double d’une direction d’acteurs très approximative, comme si le réalisateur ne savait pas trop quoi faire de ces moments d’émotion. Dommage que ce manque de caractérisation des personnages et ces quelques flottements handicapent la fin d’un film dont le premier tiers montrait tant de qualités.

Shadow Dancer, James Marsh, avec Andrea Riseborough, Aidan Gillen, Domhnall Gleeson, Clive Owen, Irlande / Grande-Bretagne / France, 1h42.

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