Suspense (1913) / les vœux brefs et tardifs de la rédaction

Occupés que nous étions à couvrir l’actualité, nous n’avions pas eu l’occasion de vous souhaiter nos meilleurs vœux. C’est chose faite avec ce court métrage de Loïs Weber (photo) et Wendell Phillips Smalley, qui fête, en 2013, ses cent ans. Un film dont on ne saurait contester l’esprit d’invention, ni le souci d’efficacité (Suspense, s’intitule-t-il de façon toute programmatique), et qui témoigne, soit dit en passant, d’une époque où les femmes occupaient une place prépondérante dans l’Hollywood naissant.

Gardons ce petit film en tête, si d’aventure nous nous risquions à aller voir – c’est un exemple – le prochain film de Michael Bay, Pain & Gain (dont le trailer circule ces jours-ci, tel un spam pour l’esprit) : qu’invente-t-il ? Est-il digne des perspectives qu’en traçaient Weber, Griffith ou Sjöström ? Des espoirs qu’y plaçait Artaud dans Sorcellerie et Cinéma ? Ou bien épouse-il plutôt le modèle qu’Oliveira dénonçait dès 1933 (« La machine est prête, il suffit de lui mettre un cochon par un côté pour qu’il en sorte un boudin par l’autre ») ?

Nous n’avons rien contre les petites choses du quotidien, les chroniques douces-amères à la psychologie suggérée par fines touches ; rien, non plus, contre le storytelling et la pyrotechnie, les batailles de trolls numériques. Rien, contre la fugue du petit chat, l’épopée de la table basse – mais pour un Ici et là-bas (le premier film d’Antonio Méndez Esparza, de toute beauté, en salles dès le 12 février), combien de films alliant (comme par automatisme) à la simplicité du propos l’indigence du regard et la pauvreté de la forme ?

Rien, vraiment – ou si peu – contre le tout-venant de la production, vouée pour l’essentiel à alimenter les tuyaux de l’industrie. Mais à une condition : nous voulons aussi les mutins du Potemkine et La Prisonnière du désert, les hommes-singes de Weerasethakul, les prophètes pop de Richard Kelly ; la puissance d’évocation des mythes, le réel dans toute sa terreur ; des alliages inédits, la quête des origines et le vertige des mondes parallèles, un cinéma qui sonde tour à tour l’infiniment petit et l’infiniment grand. Nous voulons – excusez du peu – des images.

De ce vœu, la critique ne saurait dégager toute responsabilité. Ni relai promotionnel, ni météo des plages (combien se bornent à indiquer les horaires de baignade, la couleur du drapeau et la température de l’eau ? à signaler qu’ici l’on rit, et qu’ailleurs l’on est bouleversé ?), c’est à elle qu’il échoit – entre autres attributions – de répondre à une simple question : y a-t-il du cinéma – à condition qu’on l’envisage comme davantage qu’un simple procédé technique – dans les films ? Que dire des quantités d’art dilué, d’eaux de films que le critique aborde en laborantin, pour y traquer d’éventuelles traces de cinéma ?

Il faut bien l’avouer : du récent Gomes au prochain Brisseau, le très beau La Fille de nulle part, peu de films semblent à vrai dire entretenir le rêve de Grémillon, celui d’un art qui « élève le réel à la puissance de nos impressions ».

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