7 psychopathes

Bons baisers de Bruges avait suscité un élan d’enthousiasme en faveur de Martin McDonagh, dramaturge anglo-irlandais récemment converti au cinéma. Avec 7 Psychopaths, encore plus barré mais peut être moins abouti, il confirme son style à la fois personnel et référencé. A l’instar de Bons baisers de Bruges, le dernier film de McDonagh est un thriller énergique à l’humour corrosif, teinté d’une légère touche de mélancolie. Les ingrédients n’ont pas changé (répliques théâtrales, rythme soutenu, personnages farcesques), mais le réalisateur change de décor : au romantisme noir de la « Venise du Nord » succède l’ambiance clinquante de Los Angeles.

Marty (Colin Farrel), scénariste irlandais expatrié à Hollywood, est alcoolique, légèrement dépressif et en panne d’inspiration. Son ami Billy (Sam Rockwell) propose de lui venir en aide sur son dernier projet au titre alléchant : « 7 psychopathes ». L’idée est simple et efficace : apporter de la matière à son récit en rencontrant des psychopathes avérés. Et bien sûr, ça dérape. S’ensuit une histoire totalement rocambolesque dont le ton mordant et enlevé n’est pas sans rappeler le Burn After Reading des frères Coen, avec son lot de vrais méchants et de doux-dingues. Le film est porté par une savoureuse brochette d’acteurs qui incarnent des personnages plus névrosés les uns que les autres. Woody Harrelson, Tom Waits et Christopher Walken s’en donnent à cœur joie et imprègnent le film d’une atmosphère de folie douce, à l’image de l’apparition surréaliste de Tom Waits caressant un lapin albinos avec une expression bienveillante et perverse.

Au-delà de son prodigieux casting, 7 psychopathes est également une réflexion sur le cinéma. A la manière de Tarantino, auquel il est souvent comparé, McDonagh questionne le genre : dans un style parodique, les références au film de gangster laissent progressivement place à l’univers du western dans lequel la violence brute et déréalisée se rapproche des films de Peckinpah. Mais le film est surtout une mise en abyme du processus créatif. Dans le rôle de l’auteur en panne d’inspiration, Colin Farrel nous rappelle le David Duchovny de Californication, alcoolique en proie à l’angoisse de la page blanche. La réflexion sur les mécaniques de l’inspiration n’est certes pas révolutionnaire. Mais elle est traduite dans le film par un dispositif ludique d’imbrication entre le scénario du héros et celui du film. Il en ressort plusieurs scènes cocasses et clairement auto-parodiques, comme celle où Hans (Christopher Walken) critique le scénario de Marty en déplorant la qualité des personnages féminins, réduits à de simples faire-valoir.

L’image des femmes que véhicule le film est en effet peu flatteuse. Elles sont malades, obèses, étouffantes ou intéressées. De manière générale, les personnages sont plutôt stéréotypés et McDonagh ne fait pas dans le réalisme. Ni dans la cohérence d’ailleurs : l’aspect virevoltant du film peine à s’incarner dans un récit structuré. Mais ce que l’on retiendra avant tout, c’est la profusion d’idées abracadabrantes, la saveur des dialogues et l’humour noir décapant. Pour finir, une mention spéciale à Christopher Walken qui campe un vieux Mormon kidnappeur de chiens et adepte de la non violence. Sa prestation subtile apporte au film une gravité insoupçonnée.

7 Psychopathes, Martin McDonagh, avec Colin Farrell, Woody Harrelson, Christopher Walken, Tom Waits, Grande-Bretagne, 1h50.

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2 thoughts on “7 psychopathes

  1. Oui c’est vrai que j’ai été plutôt indulgente. Je le souligne à la fin, le tout est un peu foutraque et pas très construit. Mais il n’empêche qu’il y a plein d’idées et de bons moments (surtout avec C. Walken). Mais je pense que je suis certainement plus sensible que toi au charme du duo Farell/Rockwell…

  2. Je te trouve très gentille envers ce film. Personnellement, j’ai trouvé que la catégorie « loufoque » dans laquelle il se place permet surtout à McDonagh de laisser son scénario naviguer à vue (et ses comédiens : Woody Harrelson est vraiment sous-utilisé). Comme si le délire devait excuser les faiblesses. Ca marche pour quelques génies comiques, genre Monthy Python ou Peter Sellers, mais pour les autres, il en faut quand même un peu plus en terme de construction et de réalisation.
    Après, il se dégage un petit charme du film (où est-ce juste du duo Farrell/Rockwell?) auquel le fait d’être sensible ou non ne se discute pas plus, je te l’accorde, que les goûts et les couleurs :-).

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