De « Intouchables » à « De l’autre côté du périph » : Omar Sy, ce cliché nouvelle génération

C’est officiel, Omar Sy est devenu la personnalité préférée des Français. Évidemment…

Lundi soir dernier, plutôt que de réveillonner en bonne et due forme, happé par une publicité habile et un bouche-à-oreille pas déplaisant, dans l’optique hypocrite de « me changer les idées », je prenais mon ticket pour De l’autre côté du périph. La recette fait évidemment penser à celle d’Intouchables : Omar Sy accompagné d’un acteur reconnu, Laurent Lafitte succédant à François Cluzet.

Intouchables m’avait gêné, et De l’autre côté du périph aussi, exactement pour les mêmes raisons.

Dans Intouchables, Omar jouait le rôle d’Idriss, un délinquant de banlieue reconverti en aide à domicile. Dans De l’autre côté du périph, il incarne un flic banlieusard entêté à faire tomber ceux qu’il nomme les « gros bonnets ». Mais dans les deux films, ce que l’excellent acteur joue avant tout, c’est Omar Sy, l’armoire à glace noire au cœur tendre. Et c’est bien là le problème.

Aux réalisateurs de ces deux films, ne prêtons pas de mauvaises intentions, bien au contraire. C’est un système de jauges. A trop vouloir s’affranchir des stéréotypes, ceux-ci finissent par les mettre en exergue. Ainsi, pour ne froisser personne, Nakache et Toledano n’ont de cesse de toujours essayer d’ancrer leurs personnages dans une réalité faussée. Et Omar Sy se retrouve affublé d’un petit frère délinquant à qui il donne des leçons de morale, et la fille de Cluzet passe de raciste à tolérante, et son petit ami ado bourge typique prend peur lorsque le grand monsieur noir montre les dents. Ce personnage de petit ami apeuré par le massif Omar est d’ailleurs la limite du procédé : lui, n’est pas tempéré, ce n’est pas un personnage réaliste. Il est la chute, le stéréotype requis pour que le procédé fonctionne, le prétexte, celui par qui opère le comique. Ça n’est d’ailleurs pas un hasard s’il est un ado frangé type parisien du 16e, c’est la catégorie la moins choyée – les malintentionnés diront la moins visée – par Nakache et Toledano.

Car Omar Sy ne joue pas dans des films politiquement marqués à droite. Pas plus qu’à gauche, d’ailleurs. Pourtant, ses films sont très politisés, se voulant « ancrés dans la réalité ». Ils sont en fait simplement anti-extrêmes, prônant une vie simple, où tout le monde pourrait s’aimer pour peu de prendre le temps de réellement écouter l’autre. Ce grand cirque, cette monumentale hypocrisie fait inévitablement des dommages collatéraux. Et ce sont à chaque fois les mêmes qui trinquent : l’ado frangé dans Intouchables, donc, et le pédant sous-fifre du grand homme politique dans De l’autre côté du périph.

Dans le film de David Charhon, Omar est Ousmane, et Laurent Lafitte Jean-Eric. Et la gymnastique en deux temps déjà d’opérer. Évidemment, se dira le spectateur, d’abord, assez amusé des prénoms stéréotypés. Les scénaristes lui répondent : « Bah oui, mais c’est la réalité, que voulez-vous, on ne va pas raconter de bobards ici, les banlieusards s’appellent souvent Ousmane, et les riches ont des prénoms composés. » Et le spectateur d’adhérer ou non au postulat, et à tous ceux qui s’ensuivent… Car évidemment, le premier est flic de banlieue et le second opère dans les beaux quartiers, l’un étant fils de bosseurs banlieusards, l’autre de député. Et puis des fois, on tempère un peu, pour équilibrer les jauges et pernicieusement toujours arborer cet étendard de réalisme recherché. Omar a donc un enfant qui s’appelle Yves, un joli loft et une vie simple, et Laurent Lafitte revoit ses positions opportunistes lorsqu’il se rend compte de la beauté de la simplicité, etc. Il n’y aura pas de surprise réelle, le spectateur ne sera pas gêné, pas du tout. Il n’en ressortira pas grandi, non plus, mais insidieusement aura vu s’affirmer ses visions bien-pensantes du monde qui l’entoure : personne n’est vraiment méchant, l’argent ne fait pas le bonheur et autres bondieuseries déjà trop martelées – mais sans se cacher, sans hypocrisie, et sans le beau vernis offert par les jolies compositions d’acteurs – dans les feuilletons télévisés.

Lorsqu’il était accompagné de son acolyte Fred, Omar avait ceci d’attachant qu’il était simplement drôle. C’était son accent, son parler, ses déguisements, son rire. Omar était ce pote qu’on a tous, qui fait marrer tout le monde. Pernicieusement, à coups de films de ce type, Omar devient le freak attachant, le quota « vous voyez bien qu’on ne fait pas dans le stéréotype ».

Si les qualités de tchatcheur d’Omar pour tenir un rôle comique sont évidentes – cf la définition de Bourvil : « Tenir un rôle comique, c’est exactement comme faire la cour à une jolie fille : il faut du répondant » – celles d’Omar l’acteur restent encore à prouver. Parce que le grand tort, la grosse esbroufe des réalisateurs de ces deux films est d’avoir fait de leur personnage un Omar, et pas le contraire. Ainsi, on ne voit pas Idriss dans Intouchables, ni même Ousmane dans De l’autre côté du périph : celui que l’on voit, c’est Omar, toujours lui, cette armoire à glace noire au grand cœur. Qui saura donner à Omar son Tchao Pantin ?

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1 thought on “De « Intouchables » à « De l’autre côté du périph » : Omar Sy, ce cliché nouvelle génération

  1. Dans le cinéma français on n’est passé d’un extrême à l’autre:
    du noir inexistant dans les médias français, au clichés scénaristiques affligeants.

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