Un si modeste super-héros, The Bourne Legacy

Pour ceux qui ont suivi dans les années 90 la publication des aventures de Jason MacLane et de l’abominable mangouste dans la bande-dessinée « XIII », le premier opus de la série des Jason Bourne: Identity, chantait un refrain familier. Un homme blessé à la tête dérivait jusqu’à une plage. Une fois remis pied, l’homme en question révélait des aptitudes extraordinaires, dont celle, pratique dans une histoire d’espionnage, de tuer beaucoup de gens très vite (pour le piano, l’histoire ne le dit pas). Malheureusement, Jason avait totalement perdu la mémoire.

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Rester cool en toute circonstance

Librement adapté des romans de Robert Ludlum, la bande dessinée et le film développaient deux histoires identiques, avec, paradoxalement, une bande dessinée belge qui se rêvait américaine – Jason Mac Lane parcourt, au fil des épisodes, toute la société US, ses institutions et son histoire – quand le film se voyait bien poser ses valises en Europe, avec une co-star allemande, Franka Potente (Cours, Lola Cours et Creep), et des tournages à Zurich, Paris, Londres, Prague, Mykonos.

l’entrée dans l’arène du réalisateur Paul Greengrass

Mais c’est véritablement à partir du deuxième épisode, et avec l’entrée dans l’arène du réalisateur Paul Greengrass, que Jason Bourne monte en gamme. Génie qui a inventé le film d’action à l’ère du satellite ? Imposteur qui a échangé son pied de caméra contre une dose d’amphètes ? Difficile de décider, d’autant que cette instabilité visuelle, qu’on la considère comme un formalisme énervant ou comme le coup de patte d’un styliste, s’accompagne d’une instabilité scénaristique problématique. Mais peu importe : le film met grave sa race à tous les films d’action du moment, grâce à ses scènes de combats avec caméra embarquée, et renouvelle le « réalisme de combat ». Le décadrage et autre mouvements erratiques de caméra, éléments de langage cinématographique, sont la nouvelle norme pour toute une génération de blockbusters (jusqu’au coup d’arrêt de Kathryn Bigelow avec Démineurs, qui fait entrer le cinéma dans la modernité du combat chirurgical avec un film statique, cadré, précis).

Film Title: The Bourne Legacy
Edward Norton en mode bad guy

Jeremy Renner, héros de Démineurs, est justement le nouveau Bourne de ce quatrième opus. Ou plutôt son petit frère, Aaron Cross, un agent qui, sous la figure tutélaire de Jason, souhaiterait échapper à la division la plus merdique de la CIA, Treadstone, qui passe son temps à monter des projets top secrets sous le manteau et à tenter de les détruire en tuant tous ses agents à chaque fois que le secret manque d’être révélé. Avec Jason Bourne Legacy, Hollywood couronne roi le prince Renner, qui reprend le flambeau de Matt Damon (démissionnaire à la suite de Paul Greengrass), mais tente aussi une entreprise audacieuse sur le statut du « héros » Jason Bourne. Comme pour Batman, Spiderman, Superman et autres Super-héros issus des comics, dont l’histoire se réécrit indéfiniment, et dont on peut à loisir empiler les épisodes, séquelles, prequels, Jason Bourne serait lui aussi un support à d’infinies déclinaisons, et son aura (combien de films dont le nom, dans le titre, n’est pas celui du héros?) suffirait à adouber un double en mode mineur ? De là, un récit des « origines » de Aaron Cross, qui abandonne sa condition de soldat déficient mental (une belle idée du film, inexploitée) pour devenir le laboratoire d’une expérience génétique, à coups de petites pilules qui développent ses qualités physiques et son intelligence ?

un film lisible et relativement efficace

Pas facile de débrouiller cette situation tordue. Aux manettes, Tony Gilroy ne peut s’en prendre qu’à lui-même, puisqu’il est le scénariste de toute la série. Il délivre un film lisible et relativement efficace. En ces temps de grosses productions intelligentes, le film d’action à la papa peut apporter un certain soulagement, et si héritage il y a, il faudrait plutôt chercher du côté du modeste premier Jason Bourne. Mais ce serait confondre simplicité et manque de personnalité. Outre l’histoire imparable du Jason original, dont Legacy et ses manipulations génétiques obscures ne peuvent se prévaloir, le réalisateur d’Identity, Doug Liman, savait une chose dont Tony Gilroy, cinéaste occasionnel, ne semble pas s’apercevoir : il avait devant sa caméra deux acteurs explosifs. N’y aurait-il eu que ça, l’idylle punk et sexy de Matt Damon et Franka Potente emportait le morceau. Quand on dispose, en guise de seconds couteaux, de Jeremy Renner et Rachel Weisz, et que l’on n’a pas grand chose d’autre à faire, déshabiller ses acteurs, c’est le tarif minimum. Casino Royale, qui inaugurait les nouveaux James Bond, ne faisait pas autre chose en offrant sur un plateau le joli fessier de Daniel Craig, avec le succès que l’on sait.

The Bourne Legacy, de Tony Gilroy avec Jeremy Renner, Rachel Weisz, Edward Norton, USA, 2h16

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5 thoughts on “Un si modeste super-héros, The Bourne Legacy

  1. Juste histoire de jouer les relous: Jeremy Renner et Rachel Weisz sont quand même tout sauf des seconds couteaux. Certes, Matt Damon est carrément monstrueux, mais ces deux-là, dans des registres différents, ont quand même joué de très bons rôles : « Démineurs » et « The town » pour le premier, « Agora » et « The deep blue sea » pour la seconde, entre autres.

    1. Je suis totalement d’accord, et c’était le sens du « en guise de ». JR et RW ne sont pas utilisés à leur juste valeur dans cette version réchauffée de Jason Bourne, il me semble…

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